Dany Boon ne perd pas le NordFABIENNE BRADFER
mercredi 27 février 2008, 08:51
L'HUMORISTE rend un sympathique hommage aux siens, avec une comédie chaleureuse. Du bon ciné populaire. « Les comédies se tournent dans le Sud de la France et les drames dans le Nord ou en Belgique. J’ai eu envie de réparer. » © D. R.
ENTRETIEN
On l'a découvert comme humoriste. Il est devenu comédien, acteur, auteur. Il écrit pour le théâtre, il réalise pour le cinéma. Dany Boon a le don de faire rire. Et il s'en sert avec générosité. Comme en témoigne son deuxième long en tant que réalisateur,
Bienvenue chez les Ch'tis, où il incarne avec l'accent un brave gars du Nord accueillant son nouveau directeur des postes (Kad Merad), originaire du Sud. Rencontre.
Quel lien sentez-vous entre les Ch'tis et les Belges ?
La frontière a fait des vagues pendant pas mal de siècles. Nous aussi, on a des Flamands… On est très proche. On a en commun une tendresse, une simplicité, une humilité, une fierté de cette humilité et l'autodérision. On sait dire : « Vous pensez qu'on est comme ça ? On va vous montrer qu'on est pire que ça ! » La vision des gens du Sud sur le Nord ou la Belgique est un peu la même.
Vous l'avez reçue en pleine face en arrivant à Paris ?
Terrible ! J'avais 23 ans et j'ai eu un choc. Je ne reconnaissais rien. Je perdais tous mes repères. Les gens étaient si froids. J'avais l'habitude d'aller chez les gens sans prévenir, de m'intégrer à la conversation de la table à côté quand j'étais au bistro.
A Paris, les gens se demandaient qui j'étais. Lors de la première à Lille, des journalistes parisiens étaient étonnés qu'en demandant le chemin du cinéma, les gens les aient accompagnés ! On a donc une chance incroyable d'avoir cette simplicité et ce sens de l'autre. Je me suis rendu compte de cet humanisme en quittant ma région.
Comment perdre son accent sans perdre son âme ?
C'était à l'école dans les années 80. J'étais fils de prolo et parler avec l'accent était la honte. Mais en fait, je n'ai pas perdu l'accent, j'en ai pris un autre ! En m'entendant, ma mère m'a dit : « C'est quoi c'accent-là ! Arrête de faire ton frimeux ! ».
Quel était l'enjeu majeur de ce film-hommage aux Ch'tis ?
Ne pas décevoir ma mère, avant tout ! Elle est très avare de compliments. C'est pour ça que j'avais réalisé un premier film avant. Pour voir si j'étais capable. Fort du succès de
La maison du bonheur, je me suis mis à écrire durant un an. J'ai beaucoup travaillé. J'avais peur qu'on dise que je me moque trop.
Qu'implique de faire rire au cinéma avec un tel sujet car vous l'aviez déjà abordé dans des sketches ?
C'est très dur car on peut vite partir dans l'absurde, dans le caricatural outrancier. Je me devais de rester réaliste, être original sans être trop énorme, être caricatural tout en restant crédible. La frontière est très ténue. On est sur un fil. La grande difficulté d'une comédie est de rester drôle sur la longueur. Les spectateurs doivent croire à l'histoire, s'identifier aux personnages.
À part quelques phrases ou expressions, je n'ai pas utilisé la matière de mes sketches. L'histoire est originale, les personnages sont inspirés de gens de mon enfance.
Bruno Dumont filme aussi le Nord…
Plus radical ! J'aime beaucoup ce cinéma. Mais une des raisons aussi pour lesquelles j'ai fait ce film, c'est que, très souvent au cinéma, les comédies se tournent dans le Sud de la France et les drames dans le Nord ou en Belgique. Mon combat est dans le rire ! J'ai envie de réparer. J'ai besoin que mon cinéma soit plein de cette tendresse, de cet humanisme, le monde étant de plus en plus dur. J'ai grandi dans ce Nord chaleureux. Je veux le partager avec d'autres.
En même temps, si vos personnages laissent une bonne impression, ils ont quand même pas mal de défauts !
C'était important. Les défauts, c'est ce qui rend humain et touchant. Je voulais montrer des gens qui se débattent pour s'en sortir sans très bien savoir comment et faire jouer la solidarité, le souci de l'autre. Je ne voulais pas être manichéen.
extrait: le soir:
http://www.lesoir.be/culture/cinema/cinema-bienvenue-chez-les-ch-2008-02-27-580368.shtml