« Festival d’Avignon. Frédéric Mitterrand dans la Cour d’Honneur… et au charbon |
10.07.2011Juliette Binoche bouleversante, Patrice Chéreau au sommet Juliette Binoche, magnifique et fragile
« Mademoiselle Julie » de Strindberg. Patrice
Chéreau, et ses deux acteurs anglais - Tom Broke, Jack Lasey – réunis
dans « I am The Wind » de Jon Fosse sont des étoiles sous le ciel
d’Avignon.
Juliette Binoche danse, provocante et sauvage, dans une robe lamée or haut fendue, la chevelure en bataille.
C’est la nuit de la Saint-Jean, elle est seule, on le sent : père
absent, mère morte , fiançailles juste rompues. Elle s’encanaille avec
les domestiques, elle veut qu’ils l’aiment, elle le croit, mais c’est
mal vu, lui dira son valet, Jean ( Nicolas Bouchaud). Ils se séduisent
comme on se noie, ou se dévore.
Une
nuit d’amour, et une heure trente plus tard, la voici , cheveux tirés,
en pantalon et basket, fragile, presque enfant, la cage de son canari à
la main, prête à tout quitter, tout fuir – son rang, sa caste, la
demeure familiale - désarmée, seule, si seule, paumée, perdue.
Le
miracle Juliette Binoche a bien eu lieu : ce n’est pas un personnage
qui est sur scène, mais une femme d’aujourd’hui, et une personne,
vibrante, rétive.
Elle est à l’extrême rive d’elle-même, elle va basculer, se tuer.
Doucement, sans cris…C’est très beau, très fin et émouvant : mystère
d’une présence, mystère de Juliette Binoche qui semble n’avoir jamais
quitté le théâtre…
Mais où est Strindberg dans la mise en scène de Frédéric Fisbach située
dans un loft blanc branché contemporain ? Où est la sourde lutte de
classe , de cerveaux, et de sentiments, entre le valet Jean et
Mademoiselle Julie, sous le regard de Kristin, la cuisinière (excellente
Bénédicte Cerutti) ? Assez loin, à dire vrai. L’énergique Nicolas
Bouchaud n’a pas grand-chose du valet, et de son ambiguë servitude…Et à
quoi bon ces changements de lumière intempestifs, et ces fêtards
s’agitant mollement à l’arrière fond ?