J'ai lu ça dans Tecknikart :
"Vendredi 5 octobre 2007, Gare du Nord. L’Eurostar de 17h23 est arrivé avec un peu d’avance et s’est vidé en quelques minutes. Un dernier petit groupe débarque d’un des wagons « First class », celui d’Amy Winehouse et de son staff. On la distingue de loin grâce à son fameux « beehive », et son compagnon, Blake, grâce à son trench et son panama. La chanteuse est à Paris, enfin, pour assurer un set à la Musicale, l’émission de Canal. On avait suivi ses annulations du printemps (un Trabendo, une télé), mais aussi le miniconcert donné à Bobino en juin pour l’anniversaire de Valéry Zeitoun, boss de son label français AZ. Gentiment défoncée, elle avait gratifié quelques centaines de happy few d’une très belle prestation. Quant à sa télé de ce soir, son management a été clair avec l’émission : « Prévoyez un plan B. » Déjà, censée débarquée la veille pour pouvoir assister à quelque défilé de la fashion week, elle avait refusé de monter dans le train sans son Blake. Elle avait faussé compagnie à son staff en enjambant une des barrières de sécurité de Waterloo Station pour aller le retrouver dans leur appart’ de Camden Town.
Un Big Mac, vite
Aujourd’hui, Amy est donc là et bien là avec son mari et sa suite habituelle : son manager, imposante armoire à glace black qui sert également de garde du corps, une amie, embauchée par Universal comme « chaperonne » pour l’empêcher de sniffer à outrance (on n’a pas envie de cafter, mais elle semblerait plutôt inefficace), et son road-manager, un Ecossais bedonnant dont la mission, délicate, est de s’assurer qu’Amy se trouve au même endroit que son groupe les soirs de ses concerts. Ce soir, le planning est serré. La balance aura lieu dans une quarantaine de minutes, et Amy traverse la gare à deux à l’heure. Son entourage se colle à elle. Le représentant du label français venu à sa rencontre n’aura pas accès à la miss, mais on lui demande s’il ne pourrait pas lui rendre un service : Amy a beau être multimillionnaire depuis un an, habituée aux voyages première classe et aux nuits cinq étoiles, elle se nourrit surtout de McDo. « Amy wants a Big Mac, okay ? » Le jeune homme part en courant.
La tournée de tous les dangers
Ces jours-ci, Amy Jade Winehouse, 24 ans depuis le 14 septembre, est en promo pour sa première vraie tournée européenne : vingt-sept dates dans vingt-trois villes, qui a démarré par un concert au Tempodrom berlinois dix jours après son passage-éclair à Paris. Elle s’en est acquitté honorablement, hormis quelques trébuchages sur scène… Cette tournée, les tabloïds et les bookmakers anglais n’y croient qu’à moitié, prédisant des annulations en rafales. Mais son management insiste : la ligne officielle est que « Amy is well » – et tant pis si les paparazzi n’arrêtent pas de la shooter dans des états de défonce plus ou moins avancé. Car ils ont une journée décisive à assurer. La première de l’après-Rehab, censée consolider son succès international (son deuxième album Back to Black s’est déjà écoulé à plus de trois millions d’exemplaires) et asseoir son statut de nouvelle diva soul.
OD avec Pete
Malheureusement pour tout le monde, il y a eu cette overdose gênante le 8 août dernier : un « speedball » (mélange de coke et d’héro auquel elle avait ajouté quelques ecstas et de la kétamine, un tranquillisant pour cheval), vraisemblablement ingurgité en compagnie d’un certain Pete Doherty, qui l’envoie à l’hosto. « Wino » – le surnom que lui ont donné ses concitoyens, vu qu’elle s’est fait connaître en clamant son amour de la bibine – avoue alors à ses parents, Mitch et Janis, ses addictions. Oui, j’ai un problème avec l’héro et la coke, leur dit-elle. Mais elle prend également soin de leur montrer ses bras, fière de ne pas se piquer. Amy et son mari, Blake Fielder-Civil se rendent alors au Causeway Rehab Center, situé sur une île privée à une vingtaine de minutes de Londres. Ils y restent deux jours, puis partent en vacances. Depuis, le management se répand en déclarations rassurantes (normal, l’annulation d’une tournée leur coûterait des millions), autour du thème « Amy va beaucoup mieux »…
«Un poison»
Mais son entourage a beau interdire les entretiens avec la presse écrite et limiter les télés au strict minimum, quand un journaleux la croise en soirée, elle est toujours aussi libre de parole, à condition d’être en état d’aligner deux mots (quand elle n’est pas raide, Winehouse est une des meilleures clientes de la planète pop, aussi drôle en interview qu’un Morrissey). Dernièrement, par exemple, elle déclarait au magazine OK : « Sur le long terme, boire, c’est pire que de prendre de l’héroïne. L’alcool est un vrai poison. Mais si je bois, je me le justifie en me disant que peu de gens de mon âge savent exactement ce qu’ils vont avoir à faire pour les cinq ou dix ans à venir. La plupart des gens normaux passent plutôt leur temps à se demander : “Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ?” Moi, je passe la mienne à boire. » A lire ses interviews, on comprend que si la Miss s’est mise au drogues dures, elle n’a pas pour autant tourné le dos à l’alcool. Quand elle joue, elle exige toujours son « rider » préféré : une bouteille de vodka, deux de Jack Daniel’s, deux de Veuve Cliquot, deux de vin rouge et quarante-huit de Heineken…
Pilier du Hawley Arms
A croire la version tabloïd, tout a basculé pour la chanteuse un soir de beuverie de janvier 2005. A l’époque, Amy termine la promo de son premier album Frank, n°1 chez les Anglais, et carbure jusqu’à 60 grammes (!) d’herbe par jour. Blake, qui se prétend assistant-réal’ sur des clips (le Sun et le Mirror préfèrent le mot « dealer ») ne fume pas. Le couple opte donc pour l’alcool et devient vite un pilier du Hawley Arms, le pub en bas de chez elle. Elle arrête l’herbe, se met au vodka-Red Bull et au « Rickstasy », son cocktail préféré : trois doses de vodka, une de Southern Comfort, une de liqueur de banane, une de Bailey’s… « T’en bois deux et là, faut surtout pas bouger. Tu t’assieds, tu restes assis, et t’attends que les oiseaux se mettent à gazouiller », ricane-t-elle dans plusieurs interviews. Et quand Blake la quitte pour se remettre, quelques mois, avec son ex, Amy craque. Se met à l’écriture de nouvelles paroles, alcoolisées et dépressives. Elle y cite des marques comme Stella ou Tanqueray ; l’ambiance est celle d’un bar de nuit, digne d’un Shane MacGowan… Quant à « Rehab », faudrait être moine trappiste pour ne pas être au courant de sa genèse : comment, en 2005, elle s’est rendue dans une clinique sans vraiment y croire ; comment elle aurait dit au docteur « Je suis amoureuse, et je bois trop parce que je suis amoureuse. Mais ça a foiré et il ne se rend pas compte à quel point ça me brise » ; ce à quoi le toubib lui aurait répondu : « Vous n’êtes pas alcoolique, vous êtes dépressive. » Une fois, ses lyrics à 100° placés sur les musiques des producteurs Mark Ronson et Salaam Remi, on aura droit au chef d’œuvre post-soul que l’on sait…
«Défoncééééééééééée !»
21h00 et des poussières, banlieue parisienne : l’organisation Winehouse s’active. Tout ce joli monde est backstage à la Musicale, dans un de ces studios-hangars qui pullulent à la Plaine-Saint-Denis. Les employés de labels sont fébriles, ceux de la chaîne, mi-exaspérés mi-excités. Tous se répètent qu’elle est « défoncééééééééééée ! » Le manager, accroché à son portable, discute business avec les différents pays de la tournée. Un employé passe, ricanant dans son portable : « Naaan, pas la peine ! On n’donne pas d’potion magique à Obélix ! » Les autres invités défilent – un Ben Harper par ci, un Stéphane Eicher par là – mais tout l monde s’en fout : une superstar est dans les parages, à quelques mètres de là, et ça se sent. Quand la porte de la loge dans laquelle elle et se trouve affalée s’ouvre, c’est un membre de son staff qui émerge pour dire aux organisateurs qu’Amy ne chantera que deux des quatre chansons prévues ce soir.
«La diva punk !!!»
21h20 : Vanessa Paradis et M viennent de terminer une gentille chanson sur une scène. C’est au tour d’Amy. Son groupe, les fringants Dap-Kings, est en place. Ils ont passé la soirée à boire de l’eau et à faire des vocalises, ils sont frais comme des gardons. Les grandes portes séparant les coulisses de la scène s’ouvrent, Amy apparaît. Elle est petite (1,59 mètre), doit faire une quarantaine de kilos et porte des ballerines un peu moins crades que d’habitude. Plus étrange : le staff qui l’entoure n’est pas là pour la protéger de fans importuns (on voit mal notre voisin Bertrand Méheut, le boss de Canal, lui coller une main aux fesses) mais pour la faire avancer, pas à pas. On dirait un agneau désemparé – Amy traîne des pieds en fixant le plafond – qui se laisse guider par le troupeau… La garde rapprochée finit par se défaire. Amy s’avance machinalement vers la scène. Puis s’arrête, se retourne d’un air apeuré et revient vers nous. Son staff s’apprête à la remettre sur le droit chemin, mais ce n’est pas la peine : Amy veut juste faire un p’tit smack à son amie-chaperonne. Tandis qu’Emma de Caunes balance du « Et-ce-soir ! Ici ! La diva punk !!! », Amy monte sur scène. Le public examine cette frêle créature qui fixe un point inexistant en s’agrippant mollement à son micro. Amy Winehouse est peut-être venue ce soir, mais on ne peut pas dire qu’elle soit tout à fait là.
«Euhm yeah yeah…»
Back to Black démarre – elle s’en sort. Rehab – itou, même si elle a du mal avec certaines des montées. Le regard est ailleurs, le corps, figé, et la voix a perdu de sa superbe. Elle sort des « NO NO NO » d’un autre temps, celui où son management voulait qu’elle arrête l’alcool… Le show terminé, elle s’installe, avec quelque difficulté, sur le tabouret prévu pour l’interview. Emma de Caunes, la présentatrice, lui fonce dessus, et ne semble pas se rendre compte que son interviewée pique du nez. Emma : « So, Amy, you like ze rap music ? » Amy : « Euhm yeah yeah… I like… euhmmm… yeah… » Emma : « Like Jay-Z ? You could work with Jay-Z ! » Amy : « Yeah… Euhm, Jay-Z… Hmmm. Great, yeah… » Pendant cinq longues minutes, Amy émet un gargouillis comateux face à une intervieweuse survitaminée. Les membres du management observent la scène des coulisses et gesticulent en vain pour que l’entretien soit écourté. Amy finit par quitter la scène. Son staff l’encercle de nouveau et le groupe disparaît, toujours à deux à l’heure. Depuis, le freakshow se poursuit. Annulation par-ci, frasque tabloïde par-là. Bien sûr, toute promo – Amy qui bave, Amy qui s’embrouille, Amy qui s’endort – est bonne à prendre. Alors, la chanteuse la plus excitante de ces vingt dernières années poursuit sa tournée promo et vend son Back to Black, conçu dans l’alcool, derrière un épais brouillard d’héro. Le plus difficile, pour son staff, est de la mener jusqu’à la scène. Pour le reste, Amy se débrouille très bien…"